”Interview 2010”: la traduction
En plus de magnifiques photos qui ont fait leur apparition sur le net en début de semaine, le magazine “Interview” publie dans son édition du mois de mai un entretien téléphonique entre Madonna et le réalisateur américain Gus Van Sant à qui l’on doit des chefs d’oeuvres comme “My Own Private Idaho”, “Elephant” ou “Paranoà¯d Park”.
Au cours de cette entretien, Madonna parle de son action au Malawi, de son mentor Christopher Flynn, de ses débuts à New York et de W.E., son nouveau film qu’elle s’apprête à tourner.
Cliquez ICI pour lire la traduction en français de l’interview.
Traduction: MadonnaTribe.
Traduction: MadonnaTribe
GUS VAN SANT: Hey, Madonna.
MADONNA: Gus, c’est toi ?
VAN SANT: Oui.Je suis chez moi à Los Angeles, je suis entrain de lire le journal.
MADONNA: Tu vis à L.A. maintenant ?
VAN SANT: J’habite toujours à Portland (Oregon), mais j’ai un pied à terre à L.A., et je commence à travailler sur un film ici.
MADONNA: Tu es toujours entrain de travailler sur un film.
VAN SANT: souvent.
MADONNA: Mais c’est ce que tu fais.
VAN SANT: C’est mon habitude. [rire] J’ai entendu dire que tu allais en Afrique.
MADONNA: Oui. Je vais au Malawi deux fois par an.C’est là où j’ai adopté deux de mes enfants, et j’y ai beaucoup de projets que je dois aller surveiller et des enfants dont je m’occupe.C’est en quelque sorte un engagement que j’ai pris envers ce pays et envers les centaines de milliers d’orphelins du sida.J’ai fait un documentaire à ce sujet (I Am Because We Are, 2008), et c’est juste devenu une partie de ma vie.Je vais rencontrer Jeffrey Sachs (ie un économiste).Je suis sur que tu as entendu parler de lui.Il met en place un programme d’éducation à l’échelle mondiale, et je serais sa fille, pour ainsi dire.On va faire une conférence de presse pour parler de l’académie pour fille que je construis au Malawi.C’est en quelque sorte notre façon de s’assurer que chaque enfant ait la chance d’être instruit, plus spécifiquement les filles, mais aussi les garçons.Bien que les filles, dans de nombreux pays en voie de développement, n’ont pas l’opportunité d’aller à l’école, on ne les encourage pas non plus à y aller, donc ce que l’ont fait c’est le début d’un rêve.Mais je vais au Malawi pour de nombreuses raisons.
VAN SANT: Tu as déjà pas mal travailler avec Jeffrey Sachs, non ?
MADONNA: Ouais. Nous nous soutenons mutuellement depuis plusieurs années maintenant. J’ai travailler sur des projets de Villages du Millénaire avec lui.On a deux villages du Millénaire au Malawi, et ils fonctionnent tout les deux pas mal. C’est un être humain incroyable.
VAN SANT: Je ne l’ai jamais rencontré mais j’ai entendu dire qu’il était très charismatique.
MADONNA: Il est extrêmement charismatique. Il s’exprime bien et il est charmant.Il fait parti des quelques personnes que je connais qui passent de la parole aux actes.Il voit très grand.
VAN SANT: C’est quoi la théorie économique derrière les Villages du Millénaire ?
MADONNA: en fait, son travail a pour but principal de mettre fin à la pauvreté, mais tu sais, il y a plus d’une façon d’y arriver.Les Villages du Millénaire sont des projets qu’il a mis en place partout dans le monde.Cela coà»te une certaine somme d’argent, et il faut un certain nombre d’années avant qu’ils fonctionnent, mais il en a fait presque une science, où pour 1,5 millions de dollars sur une période de 5 ans, on peut faire un groupe de villages inter connectés et auto-suffisants grâce à l’éducation, à la préparation et à la diversification des récoltes et en leur donnant des outils agricoles, des médicaments et le savoir.Jeffrey a toujours vraiment soutenu tout le travail que j’ai fait au Malawi.Donc, oui, on boira un gin tonic et on écrasera les moustiques là -bas.Au fait, Milk (2008) était un film vraiment génial.J’ai pas arrêté de pleurer.Je l’ai adoré.
VAN SANT: Oh.Génial.Merci.
MADONNA: Tu as aimé travailler avec mon ex-mari ? (rire)
VAN SANT: Oui. Sean (Penn) était génial.
MADONNA: il est génial.
VAN SANT: Je n’ai vraiment pas eu de nouvelles depuis qu’il est allé à Haà¯ti.Je veux dire, c’est incroyable, ce qu’il fait.
MADONNA: Ouais. il se bouge le cul, ça c’est sur. il est obnubilé.
VAN SANT: Quand je l’ai appelé pour lui demander s’il voulait jouer le rôle principal dans Milk, il lui a fallu une demie seconde pour accepter.Je pense qu’il savait que tous les éléments étaient là .
MADONNA: je comprends pourquoi il a été attiré par le rôle et pourquoi il a pu dire oui en deux secondes.Regarder Milk a été pour moi un voyage dans le passé.
VAN SANT: Ah oui? Tu allais beaucoup au Castro ?
MADONNA: oui quand j’étais jeune.Mais tu sais, ce que le film a fait remonter en moi, c’est mes débuts à New York et la scène dont j’ai émergée, avec Andy Warhol, Keith Haring, Jean-Michel Basquiat et Kenny Scharf.L’art, la politique et cette esprit merveilleux lui donnaient vie.La plus part de ces personnes sont mortes aujourd’hui.C’est, je pense, une des raisons pour laquelle j’ai pleuré.En fait, le personnage que joue Richard E. Grant dans le film que j’ai réalisé, Filth and Wisdom (2008), est un prof aveugle qui était inspiré de mon professeur de ballet, Christopher Flynn.En grandissant au Michigan, je ne savais pas vraiment ce que c’était un homo.Il a été la première personne à me dire que j’étais belle ou que j’avais quelque chose à offrir au monde, et il m’a encouragé à croire en mes rêves, à aller à New York.Il a été une personne tellement importante dans ma vie.Il est mort du sida, mais il est devenu aveugle vers la fin de sa vie.Il aimait tellement l’art, la musique classique, la littérature, l’opéra.Tu sais, j’ai grandi dans le Midwest et c’est vraiment grâce à lui que j’ai été exposée à tout ces domaines de l’art.Il m’a emmené pour la première fois dans une boite gay, c’était ce club à Detroit.En grandissant j’ai toujours eu l’impression d’être une bête curieuse et qu’il y avait quelque chose qui allait pas chez moi parce que je n’arrivais pas à m’intégrer nulle part.Mais quand il m’a emmené dans ce club, il m’a emmené dans un lieu où je me sentais enfin chez moi.Donc ce personnage dans Filth and Wisdom lui était dédié et était inspiré par lui.Je sais pas pourquoi je parle de tout ça, mais je crois que ça vient juste de ce monde dans le Michigan et de la trajectoire de ma vie: après avoir été à New York et être devenue une danseuse quand toute cette épidémie du sida a commencé et que personne ne savait ce que c’était.Et puis tout d’un coup, tous ces beaux mecs autour de moi, des gens que j’aimais vraiment beaucoup, mouraient les uns après les autres.C’était une période vraiment dingue.Et voir le monde paniquer – la communauté gay était vraiment mise à l’écart.Mais c’était aussi l’époque où j’ai commencé ma carrière….Je sais pas.Ton film a touché ma corde sensible et m’a rappelé tout ça.C’est une période à laquelle peu de personne ont consacré un film.C’est une période dont peu de personne parlent.Et même s’il y avait beaucoup de morts, pour moi, New York était tellement pleine de vie.
VAN SANT: C’est incroyable que tu ais eu une telle personne dans ta vie, qui t’as tellement influencée.
MADONNA: Dieu merci.Sinon, je sais pas si j’aurais quitté le Michigan.Je pense que c’était Christopher et ma prof d’histoire russe, Marilyn fellows.Tous les deux, je pense, ils formaient une conspiration envoyée par Dieu.La conspiration d’anges qui m’ont donné la confiance en moi et m’ont aidé a faire quelque chose de bien, si tu vois ce que je veux dire.Parce que quand tu grandis dans un endroit très conservateur et que tu ne t’intègres pas, c’est un peu dur….Tu peux aller dans une direction ou dans une autre.
VAN SANT: J’ai eu l’occasion de voir Filth and Wisdom.C’est une oeuvre vraiment intime et maà®trisée.ça m’a vraiment surpris.Je ne savais pas à quoi m’attendre.
MADONNA: Oui, j’en suis sur.Je pense que c’est intime.Je n’y ai jamais pensé comme ça.C’est une sorte de petite histoire.Mais vraiment, si tu veux le résumer, ça parle de la lutte pour devenir artiste.J’ai l’impression que les trois personnages principaux du film, au fond, c’est moi.
VAN SANT: Ah oui ?
MADONNA: ou des aspects de moi.J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Eugene (Hà¼tz), l’ukrainien qui joue le rôle principal.Quand j’ai commencé à écrire Filth and Wisdom, je ne le connaissais pas, et le personnage qu’il allait finalement jouer devait être un artiste en lutte qui se travesti pour joindre les deux bouts.Puis alors quand j’ai rencontré Eugene après l’avoir vu dans un autre film, j’ai découvert qu’il faisait parti d’un groupe, Gogol Bordello.Puis j’ai commencé à le harceler.(rire).Je me disais “Oh, mon dieu il est génial.Je vais faire du personnage un musicien qui galère à la place.” J’ai pensé que ça serait plus intéressant.
VAN SANT: Tu l’as vu dans quel film ?
MADONNA: Je l’ai vu dans un film réalisé par Liev Schreiber qui s’appelle Everything Is Illuminated (2005, adaptation du roman de Jonathan Safran Foer).Eugene était ce que je préfère dans le film, je suis devenu en quelque sorte obsédée par lui.J’ai écrit un rôle pour lui dans le scénario de mon nouveau film, le rôle d’un gardien, un immigrant russe qui vit à Brooklyn et qui travaille à Manhattan.Eugene a inspiré le rôle – En fait le personnage s’appelle Evgeni.
VAN SANT: Ce scénario c’est W.E. ?
MADONNA: Oui, le film dont tout le monde pense que c’est censé être une comédie musicale sur le duc et la duchesse de Windsor.Je sais pas pourquoi les journaux ont parlé de ça.Le duc et la duchesse de Windsor sont dans le film, mais ça ne parlera pas d’eux.ça parlera du voyage de cette autre femme, et la duchesse est un peu sa guide spirituelle.
VAN SANT: ça se passe à quelle époque alors ?
MADONNA: ça se passe principalement en Angleterre dans la période qui a précédé la seconde guerre mondiale, de 1936 à 1937, et puis à New York en 1998.Il y a des aller-retours dans le temps.J’ai utilisé la vente aux enchères chez Sotheby en 1998 des effets personnels du duc et de la duchesse de Windsor comme moyen de voyager dans le temps.
VAN SANT: Oh, fantastique.
MADONNA: Fantastique et compliqué.(rire) Je m’en suis pas rendu compte quand j’ai écrit le scénario, mais dés que j’ai commencé à faire le casting,à tout planifier et à travailler avec le décorateur, je me suis dit “Oh, merde.J’ai écrit un script sur des gens riches.ça va être génial pour le budget.” La duchesse change 80 fois de costumes.Elle était habillée par Balenciaga, Christian Dior et Vionnet & Schiaparelli.Cartier et Van Cleef & Arpels ont fait la majorité de ses bijoux.La plus part sont dans les réserves dans des musées.iIs ne vont pas me les donner.Mais beaucoup de ces maisons de couture ont proposé de faire des choses pour moi.Tu connais Arianne Phillips ?
VAN SANT: Je n’ai jamais travaillé avec elle mais je la connais.
MADONNA: Elle fait les costumes.Les costumes seuls sont plutôt intimidants parce que le duc et la duchesse s’intéressaient tout les deux à la mode.Et puis il y a la vente aux enchères elle même, plus de 40 000 articles ont été mis en vente dont beaucoup de vêtements, de bijoux, de chaussures, de sacs à main et d’autres trucs dans le même genre.Donc la mode est énormément présente dans mon film, bien que ça ne parle pas beaucoup de ça.
VAN SANT: Donc tu vas devoir en fabriquer certains et en rafistoler d’autres.
MADONNA: Oui.ça sera une combinaison entre de véritables pièces d’époque, d’autres qu’on refera à partir de patrons dénichés dans les archives et les nouvelles choses qu’on fera.La prochaine fois, j’écris un film sur une seule personne dans un seul lieu et qui n’a pas de garde-robe. (rire)
VAN SANT: Quand est-ce que tu as commencé à écrire W.E. ?
MADONNA: Je l’ai écrit durant les 2 ans et demie qui viennent de s’écouler, pour te dire la vérité.ça a été un peu une de mes obsessions.J’ai commence à l’écrire à la fin du tournage de Filth and wisdom.C’était en fait une idée que j’ai eu avant, mais j’ai fait Filth and Wisdom parce que j’ai réalisé que je n’avais pas vraiment le droit de faire un grand film avant d’en faire un plus petit, et d’apprendre à réaliser un film.
VAN SANT: Et ce nouveau film va être plus grand de toute évidence.
MADONNA: Euh, c’est une plus grande histoire.Il y a plus de personnages dont trois d’entre eux ont changé le cours de l’histoire anglaise.Le roi Edouard a abdiqué pour vivre avec une américaine, Wallis Simpson, et ça fait parti de mon histoire, j’ai donc du faire énormément de recherches et interroger beaucoup de personnes.J’ai donc énormément de responsabilité pour ça, et j’ai aussi beaucoup de responsabilité pour la vente aux enchères qui a vraiment eu lieu.Puis il y a la nouvelle histoire, le point de vue, celle de cette fille qui a cette obsession et qui va aux ventes aux enchères et aux trucs dans ce genre.Donc c’est un film à plusieurs niveaux de narration, plus complexe que Filth and Wisdom.
VAN SANT: Une des choses intéressante dont j’ai entendu parler au sujet du roi Edouard VIII et de Wallis Simpson c’est leur cercle social.Tu vas en parler dans le film ?
MADONNA: Oui bien sur.C’est un couple très controversé.Les gens ont beaucoup de notions différentes à leur sujet.Je veux dire par là que l’homme, Edouard, a renoncé à la position la plus puissante au monde pour une femme.Pour les anglais, il était le prince et le roi le plus aimé depuis longtemps, on l’appelait le Prince du Peuple.Il était très populaire.Donc le fait qu’il ait abdiqué a anéanti beaucoup de monde, et bien sur il a fallu qu’ils diabolisent Wallis.Ils ont dit que tout ça c’était à cause d’elle et l’ont blâmée d’avoir délibérément renversé l’Empire Britannique, parce que, bien sur, la monarchie n’a plus été la même, ce qui en fait était principalement du à tout les changement intervenus après la seconde guerre mondiale.Mais les gens ont accusé Wallis de toutes sortes de choses.Ils ont dit qu’elle était hermaphrodite et qu’il était gay.Ils ont dit qu’ils étaient des sympathisants des nazis.C’est juste la mentalité d’un lynchage par la foule qui touche quelqu’un qui a quelque chose que beaucoup d’autres gens n’ont pas.Il faut qu’ils vous rabaissent en disant qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez vous, ou qu’ils vous accusent de quelque chose dont ils n’ont aucune connaissance ou dont il n’ont pas le droit.
VAN SANT: Ils ont donc pris la décision de former un couple.
MADONNA: Oui, mais l’amour c’est pas suffisant, vraiment.ça a donc été un voyage intéressant, chercher à en savoir plus sur eux.En Angleterre en particulier, je me suis rendu compte que si vous parlez du roi Edouard VIII et de Wallis Simpson lors d’un diner ou d’une réunion entre amis, c’est comme balancer un cocktail molotov dans la pièce.La conversation se transforme en une dispute à leur sujet.Ils étaient très controversé et continuent de l’être.Donc bien sur je suis très attirée par ça.
VAN SANT: C’est un sujet fantastique.
MADONNA: Leurs vies c’était de la folie.ça relevait autant de la recherche de l’amour et de la signification du bonheur que du culte de la célébrité, vraiment.C’est un peu comme un mélange dans un ragoà»t.
VAN SANT: Tu as écris le scénario avec Alek Keshishian?
MADONNA: Oui.J’ai commencé à l’écrire toute seule, et puis je me suis rendu compte que j’avais besoin d’aide.Le sujet était trop grand.J’aime bien l’idée de collaboration en général.Non seulement c’est solitaire de faire des choses créativement, c’est aussi un peu arrogant.J’imagine que certaines personnes sont assez brillantes pour être brillantes toutes seules et qu’elles ne doutent jamais de rien et réalisent des choses extraordinaires.Mais je pense que c’est bien de s’engueuler avec les gens et qu’ils disent: “c’est nul”, “tu es folles”, “c’est ringard” ou “qu’est-ce que tu penses de ça ?” ça t’aide à comprendre ce en quoi tu crois, ce qui te passionne et ce qui est nul à chier.Je pense que c’est important d’avoir quelqu’un pour tester ses idées.Je connais Alek depuis des années et on a une sorte d’étrange relation de frère et soeur.On se prend dans les bras et on pleure sur l’épaule de l’autre et la minute suivante on se claque la porte au nez et on ne se parle plus pendant un mois.(rire)
VAN SANT: Quand vous écrivez tout les deux, vous vous trouvez dans la même pièce ?
MADONNA: oh, oui.On est dans la même pièce, mais on fait aussi des trucs chacun de notre côté et on se les envoie par email, ou on fait des trucs par téléphone, ou on s’assoit ensemble avec l’ordinateur portable qui passe des genoux d’une personne à l’autre, ou on en a marre de la lenteur à laquelle l’autre personne est entrain de taper……Donc ça fonctionne de plusieurs façons différentes.
VAN SANT: Quand tu écrits, tu as une sorte de régime de vie pendant lequel tu écris le jour ou la nuit ?
MADONNA: J’ai tendance à écrire le jour comme ça je peux voir mes enfants le soir.Mais si mes enfants ne sont pas avec moi et que j’ai une longue période de temps libre quand je suis une femme célibataire chez moi pendant une semaine miraculeuse, je me mets à écrire à différentes heures.je veux dire, on a travaillé jusqu’ à plus d’heure.On est resté debout toute la nuit.On a écrit dans toutes les conditions possibles.Mais généralement on planifie de longue période de temps pour être ensemble et travailler sur le scénario.
VAN SANT: Tu viens de commencer à faire le casting ?
MADONNA: Ouais, je suis entrain de faire le casting. A mon retour d’Afrique je commencerai officiellement la pré-production.
VAN SANT: Pour tourner cet été ?
MADONNA: Oui. yep.
VAN SANT: Je sais.C’est dur, hein ?
MADONNA: Très dur.Je sais pas comment c’est pour toi, mais pour moi, faire un film, avant de commencer à filmer et d’être dans les tranchées, cela ressemble à un processus où l’on doit faire du forcing, venir à bout de tout ces gens qui disent non.On a l’impression que le monde entier est contre toi.Je n’en avais jamais fait l’expérience avant, parce qu’en faisant des disques et en préparant mes concerts, excepté au tout début de ma carrière, je n’ai jamais ressenti beaucoup de résistance.Faire un film c’est un peu comme un miracle.Tous les deux jours, c’est:”Qu’est-ce que je suis entrain de faire ? c’est de la folie.Je pourrais être entrain de jardiner en ce moment.C’est trop stressant.Mais qui je suis ? Pourquoi est-ce que je m’inflige toute cette punition ?” Voilà à quoi ça ressemble pour moi.
VAN SANT: J’ai dit à ceux qui viennent de se lancer dans la réalisation que le truc qu’ils pourraient ressentir c’est ce sentiment que tout le monde complote contre vous, parce que vous n’êtes pas nécessairement capables de discerner le vrai du faux.Il y a tous ces messages qui viennent de tierces personnes qui disent “Tu peux pas tourner à cet endroit.Tu peux pas tourner dans le Yankee Stadium.”
MADONNA: “Cet acteur n’est disponible que pendant ces trois semaines.”
VAN SANT: Ouais et c’est trop dur de s’en occuper personnellement parce qu’il y a trop de trucs qui se passent en même temps.ça ressemble presque à de la torture.
MADONNA: C’est de la torture pour moi, parce que je veux personnellement tenir tête à tous ceux qui me disent non et je dis: “On peut pas juste trouver une solution ? Pourquoi je ne peux pas tourner dans votre château ? Pourquoi vous ne pouvez pas me faire 30 costumes et ne pas me les faire payer ? Pourquoi vouloir travailler avec Martin Scorsese alors que tu peux travailler avec moi ? (ils rient tous les deux).Tout cela ressemble à un exercice d’acceptation, pas vrai ? Quand cède-t-on ? Quand est-ce qu’on laisse tomber et qu’on arrête d’essayer de tout contrôler ? Réaliser un film c’est vraiment collaborer.A un certain moment, je suppose qu’il faut lâcher prise et faire confiance aux personnes avec lesquelles on travaille.Je regarde des films comme ceux de Wong Kar-Wai, et ils ont tous ce côté familial.Il travaille toujours avec les mêmes acteurs, le même directeur artistique et le même directeur de la photographie, et les histoires sont sensiblement les mêmes.Il semble y avoir un cetain côté familial qui doit être un luxe appréciable.
VAN SANT: Wong Kar-Wai est une excellente source d’inspiration.On fait toujours référence à lui comme le Jimi Hendrix de la réalisation.
MADONNA: ça veut dire quoi ?
VAN SANT: ça veut dire qu’il est tellement l’aise et familier avec son art qu’il peut en quelque sorte tout faire.
MADONNA: En fait, j’ai à nouveau regardé In The Mood for Love (2000) hier soir parce que j’adore la musique.Et le ralenti est utilisé à l’excès.Mais, pour certaines raisons, il s’en tire bien.A chaque fois que les personnages se croisent dans les escaliers, il y a toujours ce même morceau de musique.C’est tellement beau.Il y a ces deux couples, voisins, et on ne voit jamais la femme d’un des couples ou l’homme de l’autre couple, mais on les entend toujours parler.Alors que l’histoire semble si simple, on finit par se sentir un peu anéanti, ému et mélancolique à chaque fois qu’on regarde un de ses films.En tout cas, c’est ce que je ressens.
VAN SANT: Moi aussi.
MADONNA: Mais il y a peut être quelque chose qui va pas chez moi. Peut être que je tombe dans le panneau facilement.
VAN SANT: Non, je pense que ceux sont des films très forts. C’est qui ton directeur de la photographie ?
MADONNA: Hagen Bogdanski. il a fait “The Lives of Others” (2006). tu as vu ce film ?
VAN SANT: Oh, oui. il est génial.
MADONNA: Il a aussi fait “The Young Victoria”, deux films différents donc.Mais je pense qu’il est brillant.
VAN SANT: Parce que le directeur de la photographie avec lequel j’ai travaillé sur de nombreux films a un lien avec toi.Il y a plusieurs années j’ai fait une pub pour Levis, et le directeur artistique avec lequel ils venaient de travailler était Harris Savides, et ils essayaient en quelque sorte de me l’imposer.Ils ont dit: “Madonna ne travaille qu’avec lui.” Alors j’ai répondu: “Alors merde, si Madonna ne travaille qu’avec lui… .”
MADONNA: Je vénère Harris Savides.Il est trop cher pour moi.Je l’adore.J’ai beaucoup travaillé avec lui.C’est intéressant pourtant, parce que pour l’essentiel mon film est une production anglaise, et on m’a fortement conseillé d’utiliser des gens qui y vivent, ou du moins en Europe.On va tourner principalement en Europe, un peu en France et aussi à New York.Mon petit plaisir personnel c’est d’avoir engagé ma styliste, parce que je travaille avec elle depuis de nombreuses années et les costumes tiennent une place importante dans ce film.Je ne peux pas commencer à travailler avec une nouvelle personne.Mais Hagen a l’air génial et le travail avec lui se passe bien – jusqu’ici tout va bien.Tu travailles avec Harris sur ton prochain film ?
VAN SANT: Euh, Je suis entrain de mixer un film en ce moment.Le titre c’est Restless.On a tourné en novembre et décembre et Harris était le directeur de la photographie.On a déjà travaillé ensemble sur pas mal de films.Seymour Stein (le producteur musical) est quelqu’un que j’ai un peu connu parce qu’il m’a aidé pour la bande-originale de Even Cowgirls Get the Blues (1993).il a été quelqu’un…
MADONNA: …Qui a été vraiment important et influent dans ma vie ? Oh mon dieu.Oui, bien sur.Il a cru en moi.Seymour Stein c’est la personne qui m’a signé et qui m’a donné mon premier contrat d’enregistrement qui a été mon seul contrat pendant tout le temps où je suis restée chez Warner.Jusqu’à il y a pas longtemps.Il a écouté mes démos.Il était à l’hôpital et il m’a demandé de venir le voir.Il était relié à tous ces appareils, je ne savais pas pourquoi il était là .Mais il m’a demandé d’apporter mon ghetto blaster et de lui faire écouter ma musique.Il était allongé sur son lit, en caleçon et en maillot de corps.Mais il a toujours été mon modèle durant la première décennie de ma carrière.Donc il est aussi un personnage très important.Je veux dire, j’imagine qu’on a tous des modèles, mais j’ai eu beaucoup de chance d’avoir eu ceux que j’ai eu.Je tombe encore sur lui de temps en temps.Il a toujours cette petite étincelle grivoise dans l’oeil.
VAN SANT: Je me souviens qu’il a commencé à parler de musique ou de quelque chose comme ça et qu’il s’est mis à pleurer.
MADONNA: Oh, je vois.Il aime vraiment l’art et la musique.Je me souviens il avait ces tableaux incroyables, cette grande collection d’art, et les oeuvres formaient un espèce de méli-mélo les unes sur les autres et elles étaient accolées au mur dans son appartement qui ressemblait à un labyrinthe.C’est un personnage.C’est curieux, parce qu’il semble que cette époque est vraiment révolue dans l’industrie musicale, quand des types comme lui dirigeaient les choses, ou quand on pouvait aller voir un groupe jouer, être inspiré, les découvrir et faire des disques avec eux.C’est un peu triste.
VAN SANT: Maintenant l’industrie musicale c’est un peu comme passer une petite annonce, hein ? Tu fais tes propres disques et tu les vends en ligne.Je ne sais pas comment je vais sortir ma musique la prochaine fois que je fais un disque.
MADONNA: Oui, c’est bizarre.C’est exactement ce qui est entrain de se passer.En ce moment je n’ai pas de contrat de disques avec quiconque.
VAN SANT: Tu dois repenser la façon de le faire.
MADONNA: Je vais devoir réinventer la roue.Je ne me suis pas vraiment concentrée autant que je le devrais sur la partie musicale de ma carrière parce que ce film a pris tout mon temps.Entre ça et mes quatre enfants, je n’ai pas le temps ou l’énergie pour quelque chose d’autre.Par exemple, j’apprécie vraiment que beaucoup de personnes aient travaillé corps et âme pour faire des choses comme le DVD du Sticky & Sweet tour qui vient de sortir, et j’ai vu le produit fini, mais je n’ai aucune idée de la façon dont les gens vont être au courant ou comment il va être vendu.
VAN SANT: Ils trouveront. (rire)
MADONNA: J’espère.Je crois que j’ai un fan-club, c’est ce qu’on dit.
Source: Interview.